samedi 21 mai 2011

Extrait. Les allégories, partie 1, scène de la cuisine.

Je vais vous présenter ci-dessous le fruit de mon coup de fil avec Charlotte la bienvenue, qui m'a aidée à commencer à construire plusieurs personnages, et une ébauche de mythologie démoniaque.

Résumé du contexte : Kaspar a quatre ans. Cela fait plusieurs fois qu'il voit les créatures se nourrissant de sa mère. Il assiste encore une fois à cela, et en fait part à sa soeur. La scène se passe dans la cuisine, alors que sa mère fait du pain.

Kaspar jouait dans la poussière de la cuisine. Il avait cette effigie de cheval que son père lui avait taillé dans un bout de bois, et avec une pique, il faisait semblant de la chasser, comme s'il était quelque extraordinaire enfant d'ogre, affamé, qui se serait bien contenté d'un étalon pour une ou deux bouchées.
Sa mère pétrissait une pâte à pain, les rayons de soleil passant par la fenêtre étroite lui dessinaient une auréole dorée autour de la tête. Les petits cheveux s'échappant de son chignon lâche et de sa coiffe collaient à sa nuque luisant de sueur. Elle avait les manches de la robe remontées jusqu'aux coudes, et un nuage de farine venait corrompre l'or de son aura. Kaspar avait interrompu son jeu, assis les jambes nouées sur le sol, le geste en suspens, la bouche entrouverte. Sa mère était la plus belle femme du monde.
Quelque chose vint troubler l'aura de farine et de lumière. Quelque chose comme de la fumée, volatile, sentant le feu de bois et une autre odeur âcre, qui faisait briller les yeux, et irriter le nez et la gorge. Kaspar, immobile, retint jusqu'à son souffle, plissant les yeux pour mieux voir. Il y avait comme des ailes noires étendues de part et d'autre des épaules de sa mère, et comme un petit corps d'enfant accroché à ces ailes. Kaspar plissa les yeux plus fort. La petite créature se tenait fermement aux épaules de sa mère, et elle avait noué ses jambes trop maigres pour leur peau lâche autour de sa taille. Quant à la petite tête d'enfant, elle était penchée sur le côté, la bouche sur la nuque offerte. La créature émettait comme un bruit de succion et de déchirement humide, avalant il ne savait quoi à grandes goulées. Sa mère, imperturbable, continuait de pétrir sa pâte, inlassablement. Elle s'arrêta un instant, balança son corps en arrière comme pour se soulager d'une douleur, et reprit son travail.
C'est à ce moment là que Nasti rentra des champs. Kaspar était toujours abîmé dans le spectacle qui s'offrait là. Revenant à lui, il pointa sa pique de bois vers le dos de sa mère et demanda :
"- Mais qu'est-ce qu'elle a dans le dos, maman ?"
Nasti se retourna brusquement et lui intima de se taire.
"- Mais... Ca lui fait mal ?"
Nasti le gifla et l'entraîna dehors, alors que sa mère travaillait sans cesse, comme si rien ne se passait autour d'elle. Arrivés près du poulailler, Nasti s'accroupit et força Kaspar à faire de même. D'une voix sifflante, elle lui dit :
"- Ne parle jamais de cela. Tu m'entends ? Jamais. On pourrait t'accuser d'être un sorcier, et te tuer pour voir ce que tu vois. Ca n'existe pas. Ca n'a jamais existé. N'en parle pas, Kaspar. Je te l'interdis ! Regarde-moi. De quoi ne dois-tu jamais parler ?
- De la chauve-souris sur le dos de maman."
Nasti le gifla de nouveau.
"-Réfléchis, Kaspar. Tu dois être plus grand que cela. Ne parle jamais de ça. A personne. Détourne le regard quand tu les vois. D'accord ?"
Kaspar acquiesca, les yeux remplis de larmes.
"- Tu es un bon garçon. Va cajoler maman, elle va en avoir besoin."

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